Interview du Prof. Simon – Coordinatrice du WP3

La Prof. Françoise Simon, coordinatrice du WP3 sur le projet ASIMUTE

Le projet ASIMUTE est un projet de recherche européen multidisciplinaire qui rassemble des femmes et des hommes d’horizons divers. Leurs parcours est différent mais toutes ces personnes sont engagées pour faire avancer la recherche. Découvrons qui ils sont ainsi que leurs motivations à travers une série de mini portraits.

Pour cette quatrième interview, la Pr. Françoise Simon, coordinatrice du WP3, nous explique l’importance des sciences humaines et sociales dans l’acceptation des dispositifs intelligents.

Question 1 : Quel est votre parcours personnel ? Qu’est-ce qui vous a amené à embrasser une carrière scientifique ?

Prof. Simon : Je suis professeur des universités en sciences du management à l’Université de Haute-Alsace, dans la spécialité « Comportement du consommateur ». Avant de rejoindre la carrière académique, j’ai travaillé une douzaine d’années dans des entreprises privées et publiques comme responsable marketing, directrice des études et directrice commerciale. Pendant cette période, j’ai toujours gardé des liens avec l’université et les réseaux de la recherche académique. L’envie de disposer de davantage de temps pour approfondir les problématiques marketing auxquelles j’étais confrontée dans ma vie de manager s’est imposée peu à peu. C’est ainsi que j’ai rejoint l’Université de Haute-Alsace en 2005 comme maître de conférences.
 
Question 2 : Pourquoi avez-vous choisi ce domaine de recherches en particulier ?
 
Prof. Simon : Le comportement du consommateur est une spécialité des sciences du management qui cherche à comprendre comment, au travers de la consommation, les individus renforcent leur projet de construction identitaire, s’inscrivent dans une culture de consommation, trouvent des marges d’autonomie pour créer des formes personnelles d’usages des produits et services et également pour résister à ce qu’ils perçoivent comme des contraintes ou des atteintes à leur autonomie. Pour ma part, je m’intéresse particulièrement à la manière dont les consommateurs reçoivent les discours des marques et des organisations, les décryptent et s’engagent le cas échéant dans des formes de résistance plus ou moins actives.
 
Question 3 : Dans quelle mesure votre domaine de recherche est-il lié au projet ?
 
Prof. Simon : La spécialité « Comportement du consommateur » s’intéresse à la consommation et aux usages des produits, services et médias, que ceux-ci soient proposés par des entités privées ou publiques. Bien évidemment, l’attrait des consommateurs pour l’offre de produits verts et leur adhésion aux pratiques écologiques recommandées par les pouvoirs publics sont au cœur des recherches conduites au sein de cette spécialité.
La Pr. Françoise Simon en compagnie d'Antoine Tournier et Joël Sangwa, contributeurs du WP3.
Question 4 : Quelle(s) question(s) vous êtes-vous posé au début du projet ?
 

Prof. Simon : Le Work Package 3, intitulé « Sobriété énergétique et consommation compensatoire », est conçu comme une introduction aux autres Work Packages du projet ASIMUTE. Il pose deux questions essentielles :

  • Quel est le niveau d’adhésion des ménages à la transition écologique ? Ici, nous considérons la transition écologique comme un tout qui regroupe un ensemble de mesures réglementaires (par ex, l’implantation obligatoire des compteurs Linky en France), d’incentives (par ex., les aides gouvernementales pour les panneaux solaires), d’infrastructures de facilitation (par ex., les bornes de recharge publiques pour les voitures électriques), ou de conduites recommandées telles que les éco-gestes ou les mobilités douces.
  • Y a-t-il un risque important que certains aspects de la transition écologique jugés trop contraignants ou perturbants par les ménages déclenchent des réactions aversives ? Dans ces réactions aversives, nous nous intéressons notamment à la compensation, qui désigne des formes de consommation additionnelle ou le renforcement de pratiques peu vertueuses du point de vue de l’environnement.
Question 5 : À l’heure actuelle, avez-vous déjà trouvé des éléments de réponse ?
 

Prof. Simon : Cela fait deux ans que nous travaillons sur le projet. Nous avons déjà obtenu des résultats probants que nous avons présentés à plusieurs colloques scientifiques et dont certains viennent d’être soumis à des revues scientifiques. Par exemple, nous avons abordé la question des ruptures de signification dans la transition écologique lors du colloque « Journée de la Recherche en Marketing du Grand Est » en mars 2025 (retrouvez les actes du colloque ici).

Nos résultats indiquent que les consommateurs sont conscients dans leur très grande majorité de la réalité du réchauffement climatique et de la réduction de la biodiversité

Question 6 : Que pouvez-vous révéler de vos résultats sans nous en dire de trop ?
 
Prof. Simon : Pour ce qui concerne l’adhésion à la transition écologique, nous avons étudié le cas des ménages français et nous avons montré qu’il existe parmi eux des sociostyles très distincts en matière de consommation durable et de perception des recommandations des pouvoirs publics. D’une manière générale, les ménages associent une signification globale à la transition écologique ; leur mode de consommation et leur intention de coopérer au sein de collectifs pour réduire l’empreinte carbone sont alignés avec leur interprétation de la transition écologique comme dispositif de gouvernance publique.
 
Par ailleurs, nos résultats indiquent que les consommateurs sont conscients dans leur très grande majorité de la réalité du réchauffement climatique et de la réduction de la biodiversité. Pour autant, les mesures de la transition écologique sont associées à des menaces dont nous avons dressé une typologie. Sur la base d’expérimentations, nous avons montré que ces menaces créent chez les consommateurs de la dissonance cognitive et dégradent leur niveau de responsabilisation en matière de consommation soutenable. Les dix-huit prochains mois permettront d’enrichir ces modèles et de les généraliser au contexte allemand.
 
Question 7 : À partir de quel moment et pourquoi avez-vous commencé à travailler sur des projets liés à l’environnement ?
 
Prof. Simon : J’ai commencé à travailler sur les problèmes environnementaux en étudiant la dématérialisation numérique. En effet, les entreprises ont beaucoup utilisé l’argument écologique pour dématérialiser une partie de la relation qu’elles entretenaient avec les clients : suppression des points de vente physique pour les remplacer par le e-commerce ; suppression des catalogues délivrés en boîtes aux lettres ; mise en place des smart meters, etc…. Ce qui m’intéressait ici était de comprendre comment les consommateurs acceptaient les dispositifs numériques de remplacement proposés par les entreprises, interprétaient les intentions des entreprises et comment cela affectait leur relation aux marques et à l’écologie.
 
Question 8 : Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les buts et/ou les résultats des projets environnementaux sur lesquels vous avez travaillé ?
 
Prof. Simon : J’ai notamment participé récemment au projet Interreg « Smart Meter Inclusif » dirigé par le Professeur Djaffar Ould-Abdeslam. Avec Virginie Schweitzer, maître de conférences à l’Université de Haute-Alsace, nous avons travaillé sur la qualité de l’appropriation par les consommateurs du compteur Linky en vue de piloter et réduire leur consommation d’électricité. Nous avons eu la satisfaction de constater que nos conclusions avaient été partagées par le Haut-Commissariat à la Stratégie et au Plan français dans sa note d’analyse de Novembre 2024, consacrée à la contribution du numérique à la décarbonation.
 
Question 9 : Y-a-t-il des projets scientifiques qui suscitent votre engouement et que vous suivez ?
 
Prof. Simon : En tant que chercheuse en sciences humaines et sociales, je suis passionnée par l’évolution de la société, notamment dans le contexte européen. J’essaie constamment de relier les cultures de consommation, d’une part, aux discours des marques et, d’autre part, aux initiatives des pouvoirs publics. En ce qui concerne mes projets actuels en lien avec l’environnement, je travaille sur le rôle sociétal des influenceurs dont certains ont un discours pro-environnemental très articulé, ainsi que sur la polarisation des attitudes dans les grandes villes en lien avec l’aménagement urbain pour les mobilités douces. Ainsi, je suis très attentivement le projet européen Driving Urban Transitions (DUT) qui s’intéresse aux transformations urbaines et à la mise en place de quartiers résilients et neutres sur le plan climatique.

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